La Brume Verte by John Flanders

Auteur:John Flanders [Flanders, John]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique
ISBN: 2-7304-0342-6
Éditeur: NéO
Publié: 1948-01-01T05:00:00+00:00

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Fascinés par l’étrange sifflement du vent du Nord, Martin Spissens et Pierre Caplars contemplaient pensivement la mer s’assombrissant de plus en plus sous les masses de nuages bas. La bonne et douce saison appartenait déjà au passé. L’automne, aux sautes d’humeur imprévisibles, était proche. Caplars avait timidement proposé de quitter l’Islande sans plus attendre, mais le vieil Anselme s’était démené comme un beau diable. Prenaient-ils donc Gundrid, à la sagesse séculaire, pour une misérable diseuse de bonne aventure de Rouen !

D’ailleurs, le comte Baudouin ne lui avait-il pas donné entièrement raison ? Les mouettes tridactyles et les eiders apparaissaient déjà dans la baie. Les jours décroissaient, le soleil perdait son éclat joyeux. La nuit, la lune et les étoiles semblaient scintiller plus près de la terre.

Gustave Léman, qui avait regagné le bateau ainsi que ses deux compagnons, ignorait que le signal de poursuivre le voyage viendrait de lui. Il passait son temps à chasser le gibier d’eau, comme par exemple les cygnes bruns qui se posaient sur les marais juste le temps de se reposer un brin et de remuer la vase de leur bec redoutable, avant de reprendre leur envol en formations triangulaires dirigées vers le sud.

Nos amis avaient l’habitude de se réunir dans la grande cabine pour y souper ensemble. Ce soir-là, le comte de Westenrode, qui d’habitude préférait rester dans sa propre cabine, avait également pris place à table.

Rigolbert enlevait les dernières assiettes, Spissens et Caplars jouaient aux cartes, le comte Baudoin fumait sa pipe en rêvassant et le vieil Anselme se préparait un solide grog au rhum.

Soudain le grand-père laissa tomber la cuillère avec laquelle il remuait la mixture.

— Regardez donc le somnambule !

Gustave était occupé à bourrer des cartouches. Il pesait la poudre et les plombs et tassait les bourres de papier au moyen d’un petit marteau en bois, lorsqu’il s’arrêta brusquement.

Le marteau lui tomba des mains, les granulés de plomb s’éparpillèrent sur le sol, ses yeux fixes semblaient regarder infiniment loin.

— Pour l’amour du ciel que personne ne bouge, murmura le comte de Westenrode.

— Somnambule ? commença Spissens à voix basse, mais Caplars lui fit signe de se taire.

— C’est pour maintenant, dit Anselme, repoussant son bol.

Le jeune homme se mit alors à parler d’une voix lente et lasse, comme s’il conversait avec un être invisible et répondait à des paroles inaudibles.

— …

— Oui, j’entends fort bien ce que vous dites.

— …

— Oui, prendre la mer demain.

— …

— Oui, cap sur le Nord. Ce sont d’étranges noms.

— …

— Oui, je les ai compris : Scoresby Sund, Hurry Inlet.

— …

— Je ne vois rien. Il fait très brumeux et presque nuit.

— …

— Oui, je vois à présent.

Le visage du jeune somnambule se contracta. Il frissonna et fit un geste de défense, puis se mit à parler en haletant.

— Ne touchez pas aux pierres ! Des êtres menaçants rôdent autour. Quelque chose d’horrible est suspendu dans le ciel. Ne les touchez pas ! Ah, monsieur Pringier, n’y touchez pas ! Non, non, je ne veux plus regarder ! Je ne veux plus écouter ! Que crie le docteur ? Je l’entends.

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